L’année dernière, durant les vacances de mon instructeur référent, j’ai été amené à le remplacer trois semaines consécutives. Jusqu’alors, j’étais son ouké et assistant instructeur. Le feedback des élèves sur cette phase dut être élogieux car, au mois de juillet, au moment de recruter un instructeur pour la nouvelle année, la place me fut proposée d’emblée.

J’acceptais, non sans un certain trac. Il fut décidé que je m’occuperais des cours orientés « programme » tous les mardis. Mon Sensei se chargerait, lui, de la partie « self-défense/rue » des vendredis. Ayant toujours aimé enseigner, j’étais néanmoins ravi.

Je passais une bonne partie de l’été à créer une structure de programme. En effet, avoir pour mission d’amener une section d’élèves débutants à réussir leur ceinture orange en une année scolaire n’est pas du tout le même travail que d’improviser un cours à la volée. Il faut prendre en compte la partie technique, la dimension physique et mentale, ainsi que le développement des compétences de combat.

Je décidais rapidement d’ajouter une partie théorique, articulée en deux modules : « Prévention » (qui comporte des intitulés tels que « Krav maga et confiance en soi » ou « L’état de sidération ») et « Combat » (qui, lui, traite de sujets tels que « Le shadow boxing en krav maga », « Faire un bon sparring » ou encore « L’importance du mental »).

Devenir Instructeur De Krav Maga - Go !

Un exemple de plan de cours (ceux que vous ne suivrez jamais à la lettre…)

Après validation du programme par ma hiérarchie (mon instructeur ainsi que le président du club), une prise de contact avec des spécialistes de la boxe et du sol, et une ou deux nuits blanches, je donnais mon premier cours en tant que seul instructeur le 5 septembre 2023.

Pour la partie technique, j’optais d’abord pour une approche chronologique du programme des ceintures. Ceinture jaune en septembre, orange en octobre/novembre, verte en décembre, tout en insérant dès que possible des cours de pur combat, aidé en cela par un instructeur de boxe anglaise et un spécialiste du sol.

Il fut rapidement évident qu’en l’absence d’anciens au club (la section ayant été créée l’année précédente) pour me relayer et servir d’exemple, il ne me serait pas possible de voir l’intégralité du programme de manière efficace. Je changeais donc d’approche.

À la fin de la partie portant sur le sol, je décidais de consacrer une période de deux mois à consolider les acquis jaune/orange et driller les positions et l’exécution plutôt que de chercher à boucler à tout prix le programme. Les résultats furent bien plus convaincants.

Je m’aperçus également qu’en tant que professeur, mais également comme pratiquant, je manquais d’un support de cours efficace. En effet, je continuais en parallèle à suivre les cours de mon club de formation, mais l’entre-deux « prof/élève » combiné à des responsabilités de père célibataire ne me laissaient pas le temps d’approfondir mes connaissances. Je décidais alors de me tourner vers des cours en ligne avec support vidéo, en plus de mes séances en réel.

Mes premières ceintures ayant été présentées sous la bannière de la KMF-AC (et les objectifs que nous appliquons en étant resté très proches), j’adhérais au programme en ligne de cette fédération. J’y trouvais un support assez unique et très complet. Mon approche évolua grandement après cette décision. Autant en termes de technique pure qu’en intégrant certains des préceptes de cours enseignés, tels que le plan des échauffements ou le « Misra Krav ». Les modules « combat » et « pédagogie » me furent également d’une aide appréciable.

Contrairement à la croyance populaire, un bagage technique important n’est pas suffisant pour devenir un enseignant efficace. S’y ajoutent un attrait et des facilités pour la pédagogie, en plus d’un intérêt sincère pour ses élèves. Il s’agit en réalité d’une forme de management.

Tout comme il existe plusieurs casquettes de manager (directif, persuasif, participatif, délégatif), à toutes utiliser en fonction de l’interlocuteur et de la situation, il est important d’adapter son attitude à la personnalité de ses élèves. Certains (notamment les débutants) nécessiteront un style très directif, avec des consignes claires. D’autres auront besoin de comprendre ce qu’ils font dans le détail. Les plus avancés doivent pouvoir bénéficier d’une plus grande latitude, sans pour autant déséquilibrer le cours. Tout ceci en prenant en compte le moment de l’année, l’ambiance générale, les passifs des uns et des autres…

Décortiquer les vidéos prend tout son sens quand on attaque l’omoplata…

Pour une section débutante, il est aussi important de se faire connaitre dans le microcosme des clubs locaux. Participer à des stages, faire vivre une page Facebook, organiser des événements favorisant la cohésion, tout ce qui contribue à créer une identité à la section et un sentiment d’appartenance aux pratiquants n’est pas à négliger.

A ce jour (février 2024), je prépare activement mes élèves à leur premier passage de grade. Nous allons présenter 2 ceintures jaunes, 16 ceintures oranges et 4 ceintures vertes le 15 juin lors d’un passage commun à 3 clubs, aux philosophies et programmes identiques. Je prépare de mon côté le passage de ma première Dan lors d’un stage au printemps en présence du Master Alain Cohen, qui ne manquera pas de tester mes limites.

Le mental, les enfants… Le mental !

Se tenir informé, participer aux évènements, promouvoir sa section…

Mes conseils aux instructeurs débutants :

  • Préparez-vous ! Vous n’arriverez probablement jamais à suivre exactement ce que vous aviez prévu mais vous disposerez ainsi d’une base à laquelle vous accrocher en cas de doute. Et vous pouvez toujours ajuster en route.
  • Ne cherchez pas à être parfait. Vous débutez, donc vous êtes perfectibles. Vous le savez, votre hiérarchie le sait (et vous fait quand même confiance) et vos élèves le savent. Vouloir à tout prix dégager une impression d’infaillibilité sonnera faux et vous imposera une pression dont vous n’avez pas besoin.
  • Portez le costume. Vous êtes un Sensei, plus un Sempai. Sans attraper la grosse tête, n’acceptez pas de familiarité excessive. Vous obtiendrez bien plus de respect si vous croyez en votre rôle. Prenez garde aux élèves anciens et compétents qui vous remettent en question. Rester ouvert à la critique est constructif, mais pas au point d’accepter qu’on démonte votre crédibilité. Prêtez une attention particulière aux remarques passives-agressives, sous couvert de vous aider. C’est votre cours, et celui de la section. Pas une tribune pour flatter les égos.
  • Sachez bien vous entourer. L’expérience de vos propres instructeurs, le soutien de vos pairs, la confiance de vos dirigeants feront une différence majeure si vous en faites bon usage. Des entrées auprès de partenaires commerciaux sérieux pourront aussi se révéler d’une aide précieuse.
  • N’hésitez pas à déléguer. Utilisez tous les talents présents dans votre groupe. Un de vos élèves a pratiqué la boxe thaïe pendant dix ans ? Un autre possède un niveau avancé en JJB ? Faites-les intervenir lors de phases dédiées. Vous améliorerez la qualité globale de votre cours et apprendrez de nouvelles approches de votre côté.
  • Amusez-vous ! Notre discipline est incroyablement prenante et enseigner apporte des satisfactions uniques, à partir du moment où l’on s’épanouit à faire progresser les autres. Lorsque, après plusieurs séances à driller encore et encore, vous vous rendrez compte qu’une technique est acquise par vos élèves, la sensation que vous éprouverez récompensera tous vos efforts au centuple.

Par Régis MARCHESE, instructeur de la section krav maga du Karaté Do Nippon (Archamps, 74)

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